dimanche 17 juillet 2011

Une fin émouvante

Comme promis, je vous raconte le déroulement de ma deuxième nichée de Canard branchu. En mai dernier nous recevions la visite d'un second couple de Canards branchus. Leur visite s'est produite sur plusieurs jours consécutifs. À chaque fois, le mâle semblait insister pour que la femelle s'installe dans le trou de l'érable à quelques mètres de la maison. Reconnaissait-il le milieu? Nous avions élevé 3 canetons branchus il y a 2 ans et leur enclos était sous cet érable. Il entrait et sortait de ce trou, se posait sur le bord et ne cessait de cacasser. Il lui disait peut-être qu'elle serait bien ici et qu'elle serait bien protégée.


Toujours est-il que finalement elle accepta l'invitation et alla inspecter les lieux.
Cela a semblé lui plaire puisqu'elle est revenue dans les jours qui suivirent et sans la présence du mâle. Nous en avons conclu qu'elle avait adopté ce nichoir naturel pour couver ses oeufs. Il fallait être très discret pour la voir entrer au nid car dès qu'elle se sentait surveillée, elle passait outre et retournait pour un certain temps à l'étang Burbank. Ce n'est que de l'intérieur de la chambre à travers le store presque fermé que nous pouvions avec de la patience la voir revenir et entrer au nid. Elle arrivait tôt le matin et y demeurait environ 60 minutes. Nous pouvions alors penser que la ponte avait débuté.




Il fallait alors protéger cette nichée des prédateurs (comme le raton laveur) pouvant venir du sol. Nous avons donc installé un grillage électrifié relié à une batterie donnant des chocs par intermittence comme celle employée par les agriculteurs. Par contre, il était impossible d'effectuer une protection contre ceux venant des airs. Heureusement, nous avions un couple d'étourneaux qui nichait à environ 1 mètre plus bas et il ne tolérait ni la présence des autres oiseaux ni celle des écureuils. Il s'en est même pris à quelques reprises à la femelle branchue qu'il réusssissait parfois à intimider. On savait nettement si la femelle était au nid en regardant le comportement de l'étourneau. Il allait se percher sur le bord du trou du branchu et regardait à l'intérieur. Nous savions alors que la femelle était au nid car jamais il ne faisait cela si elle était absente. Nous avions donc un excellent gardien.


On aperçoit ici la tête de l'étourneau sortant de son nid et le trou du nid du branchu plus haut.







Pour déterminer le moment de l'éclosion et surveiller la couvaison, il fallait installer une caméra de surveillance. J'ai donc choisi de le faire avant la fin de la ponte car je savais que la femelle ne revenait pas au nid dans la journée, une fois son oeuf pondu. C'est donc le 31 mai que j'effectuai la mise en place. On aurait dit un nid vide tellement les oeufs étaient bien camouflés sous la ripe et les copeaux de bois. Il y en avait déjà 7. La couvaison ne devrait pas tarder puisque les branchus pondent en moyenne 10 à 12 oeufs.




Vous me voyez ici en train d'installer la caméra

On aperçoit ici sur le moniteur les oeufs bien recouverts lorsque la femelle quitte le nid.

Je vous raconte un de mes pincement au coeur. Le 24 juin vers 6.30hres, en sortant pour nourrir mes Merlebleus avant déjeuner, je constate que la femelle branchue est perchée sur une branche face à son nid. Je comprends rapidement qu'il y a quelque chose qui ne va pas dans le nid. Le coeur palpitant, je cours allumer le moniteur. À prime abord, je ne constate qu'une forme sombre dans le côté du nid. Les oeufs sont bien recouverts. La femelle n'est donc pas partie en catastrophe. Tout à coup la masse sombre se déplace et 2 yeux brillants pointent vers la caméra. Un écureuil gris est dans le nid et il commence à déterrer les oeufs. C'est la panique. Je cours chercher mon échelle que j'adosse à l'érable. Bien sûr la femelle branchue est partie depuis ma sortie à l'extérieur. J'entre chercher des gants et je grimpe rapidement jusqu'au nid. L'écureuil avait abandonné le nid probablement le temps d'aller chercher mes gants. Je remets un peu de copeaux sur les oeufs et je prie le ciel pour que la femelle revienne. Il a fallu un bon 2 heures avant de constater sur le moniteur son retour. Là je m'ennuyais de mes étourneaux qui avaient quitté leur nid depuis une semaine.

Le 3 juillet au matin, je constate la première éclosion. toute la journée ce sont les préparatifs pour la tombée qui s'effectuera le lendemain car on sait que les petits demeurent au nid environ 24 à 36 heures et que par la suite ils doivent quitter pour aller se nourrir car la femelle ne leur apporte rien. Elle ne jouera qu'un rôle de protection.
Le 4 juillet, dès 7 hres, André est dans l'abri servant de cache, Serge dans sa cache, moi dans la fenêtre de la serre et mon épouse dans la fenêtre de la chambre pour mettre sur pellicule ce moment rare et si attendu. L'attente est longue. Je suis le seul à voir le moniteur et savoir ce qui se passe dans le nid. J'avais donc placé une lumière à l'extérieur visible par tous et nous avions convenu que j'allumerais la lumière lorsque l'activité serait instense dans le nid. Ainsi chacun aurait le doigt sur le piton car tout se passe rapidement. J'ai donc à quelques reprises allumé et éteint cette lumière car la femelle venait vérifier ce qui se passait dehors en s'étirant le cou et entrait apaiser ses petits.

On la voit à peine ici zyeuter les nouvelles installations du matin. Elle sait très bien que nous sommes là et elle doit se familiariser avec ce nouveau décor.









Finalement l`'ordre est donné et tous les petits se mettent à grimper les parois internes du nid pour se poser sur le bord du trou. Un premier saute en se projetant vers l'avant.














Puis la femelle fait de même, suivie très rapidement par les autres oisillons.



Même les plus peureux obéiront à l'ordre de leur mère qui les invite à la rejoindre.

















On aperçoit à gauche de l'arbre un petit branchu amorçant un saut de 10 m.



C'est finalement 7 oisillons qui se retrouvent au sol et une mère très craintive qui les dirige vers l'étang. Comme nous ne voulions rien ajouter à son stress, nous avions décidé de ne pas bouger de notre position et de ne pas la suivre. Malheureusement tout le reste ne s'est pas déroulé de la façon prévue. La femelle a entrainé ses petits non pas dans la direction de l'étang mais plutôt vers la cour du voisin où il y a 2 énormes chiens en liberté. J'ai donc fait un détour par notre cour arrière pour retrouver 6 canetons apeurés sous un mélèze et une cane sous une épinette à plusieurs mètres de ses petits



















Voici les petits sous le mélèze



C'est à partir de ce moment que les photos cessent. Les 6 petits ont rejoint leur mère est nous espérions qu'elle les amène rapidement sain et sauf à l'étang. Elle était maintenant dans la bonne direction. Qu'est-il advenu du 7ième caneton? On l'ignore. Nous l'avons cherché sans succès.


Vers 13.15hre mon épouse reçoit un téléphone d'une voisine disant qu'elle avait dans sa cour des canetons avec la mère et elle se demandait que faire car une dizaine de corneilles harcelaient la mère pour la faire s'envoler et gober les petits par la suite. Je me rends donc en vitesse chez-elle. Elle m'explique rapidement que 2 corneilles se plaçaient au sol devant les petits et la mère et que les autres foncaient sur la mère en poussant de grand cris. Ce n'est que lorsque son mari et elle sont sortis que les corneilles se sont enfuies. La famille branchue quant à elle s'est réfugiée dans mon allée de branche bordant mon terrain. Nous avons donc décidé de pousser lentement la famille en direction de l'étang. Tout a bien fonctionné jusqu'au terrain gazonné de mon voisin. Rendu à découvert, la femelle s'est envolée pour se poser beaucoup plus loin laissant les 5 canetons restant ( probablement que les corneilles avaient eu raison d'un oisillon) seuls à chercher leur mère. Finalement, 4 d'entre eux passent sous la clôture et filent direction maman. Mais malheureusement, un petit étourdi, me passe entre les pieds et revient dans l'allée de branches. Nous sommes trois à le chercher, écouter ses cris occassionnels pour finalement le retrouver sous un tas de feuille. Je le saisis et nous partons à la recherche de la troupe. Il n'était pas question pour moi d'élever un caneton. Je savais l'ouvrage que ça occasionnait pour l'avoir vécu 2 années précédentes avec trois petits canards branchus. Il nous a fallu 1.30hre de recherche pour finalement retrouver les 4 petits tout près de la route sous un arbuste. En deux temps 3 mouvements, je libère le petit que je tiens toujours en main et il rejoint à la course ses frères et soeurs. Mais où est la femelle? Les petits crient à fendre l'âme et appellent leur mère. On la voit finalement passer à quelques reprises dans les airs mais elle semble trop apeurée pour se poser près de ses petits même si nous sommes très loin d'eux. Faut dire que plusieurs personnes passent sur le trottoir et que la circulation est dense. Après une trentaine de minutes, les petits sortent de leur cachette toujours en quémandant leur mère et tentent à quelques reprises de traverser la rue mais sans succès. Les autos sont trop nombreuses et les petits retournent se cacher dans leur bosquet. Nous convenons mon voisin et moi d'arrêter le traffic à leur prochaine tentative car nous savons que leur chance de survie sera meilleure sur l'eau que sur terre. Nous nous plaçons donc chacun de notre côté à environ 30 m du bosquet et attendons leur sortie. Ça ne tarde pas. Dès qu'on les aperçoit sur le trottoir, on arrête les autos. Les petits canards sont hésitants mais finalement finissent par traverser car un de mes amis était arrêté pour nous aider et il s'était placé entre eux et le bosquet. Il ne leur restait qu'une trentaine de mètres de pelouse à franchir avant d'atteindre l'eau mais là encore nous avons dû les serrer de près. Il y avait au moins une quinzaine de corneilles au sol et dans les arbres longeant la rive qui les attendaient. J'ai bien vu que sans notre protection, nos canetons n'auraient jamais atteint l'étang. Les corneilles, loin de fuir, se perchaient sur les branches les plus basses et criaient après nous de toute leur force. Une fois rendus à l'eau, les petits longent la rive et piaillent à tue-tête. La mère viendra t-elle les rejoindre? Je dois savoir. Je m'installe donc sur une souche et je surveille mes protégés. Subitement, un cri plaintif se fait entendre au milieu de l'étang. Cinq petits canetons changent subitement de cap. Ils virent à 90 degrés et rament à toute vitesse en direction des appels venant du milieu de l'étang. Aucun nénuphars ne leur barrent la route. Quant ils ne réussissent pas à ramer, ils passent par dessus la végétation. J'aperçois alors la femelle qui vient à toute vitesse vers eux. Quelle retrouvaille. Les petits semblaient tellement contents qu'ils faisaient le tour de leur mère à répétition.


J'ai compris qu'une femelle branchue avait un tout autre comportement que celle d'un harle. La branchue s'enfuit devant le danger alors que le Grand harle fait face au danger. La discipline est de rigueur avec le harle et ses petits lui obéissent et restent regroupés mais ça semble bien différent avec le branchu. Du moins, avec cette nichée, c'est ce qui s'est produit.




Le Monsieur est retourné chez-lui bien ému mais également bien content de voir 5 nouveaux petits branchus sur l'étang Burbank.









3 commentaires:

Cello a dit...

Monsieur Lacroix, le récit de cette aventure était tout simplement passionnant. Merci et félicitation
pour cette nouvelle réussite!

Gilles Lacroix a dit...

Merci cello
Comme je ne suis pas un fervent de laisser faire la nature, je me dois toujours d'intervenir lorsqu'il s'agit de sauver la vie des oiseaux et surtout ceux qu'on affectionne particulièrement. Pour moi, laisser faire la nature est comme un aveu de ne pas vouloir investir du temps pour le sauvetage et ça j'en suis incapable.

leopolddobly@gmail.com a dit...

Merci pour cette belle histoire vécue. Vos branchus risquent bien de revenir l'année prochaine, se sachant protégés chez vous. C'est donc bien ainsi. Bravo !